Les surtitres au théâtre

Au fur et à mesure que notre monde devient plus globalisé, les contacts culturels et linguistiques deviendront inévitables, alors la traduction va jouer un rôle important dans le partage des activités culturelles. Le surtitrage est une façon de rendre un spectacle sur scène accessible aux spectateurs de différentes communautés linguistiques. Pendant le spectacle, on projette les surtitres sur scène ou au-dessus, pour que les spectateurs puissent regarder la scène, entendre le dialogue et lire une traduction du texte original. Surtout au Canada, où se trouve une asymétrie sur le plan linguistique, le surtitrage est une façon importante de relier les cultures anglophones et francophones, de soutenir les productions culturelles et de promouvoir la compréhension mutuelle.

Pendant les années 1980, la compagnie nationale d’opéra du Canada a été la première en Amérique du Nord à employer les surtitres. Le but de ces surtitres était soit de traduire le texte du libretto vers une autre langue, soit de transcrire les paroles difficiles à comprendre. Depuis cet emploi original, les surtitres ont été beaucoup intégrés au théâtre franco-canadien, surtout dans le cadre des spectacles français qui apparaissent hors du Québec. Comme le mentionne Louise Ladouceur, le théâtre est une activité culturelle importante où les communautés francophones minoritaires (c’est-à-dire, les communautés francophones hors du Québec et du Nouveau-Brunswick) peuvent entendre leur langue vernaculaire dans un espace public, affirmer leur identité culturelle et résister à la langue majoritaire (Ladouceur, 2013). Cependant, les francophones ne sont pas très nombreux dans l’Ouest canadien, et les compagnies théâtrales francophones ont commencé à fournir les surtitres pour attirer un plus grand public aux spectacles.

Le surtitrage occupe une position intéressante parmi les textes traduits. Contrairement à d’autres œuvres littéraires, le surtitrage est un produit textuel intégré dans la performance elle-même. Comme le note Susan Bassnett-McGuire, les surtitres n’existent pas hors de la performance d’un spectacle, alors la traduction prend un rôle performatif au théâtre (Bassnett-McGuire, 1985). La traduction des pièces franco-albertaines ou franco-manitobaines pose une difficulté supplémentaire, puisque ces œuvres mélangent souvent l’anglais et le français, ce qui rend compte de la réalité linguistique des francophones minoritaires. Ces pièces hybrides profitent du bilinguisme des spectateurs en employant l’alternance entre l’anglais et le français, les jeux de mots et les doubles sens qui exigent une bonne connaissance des deux langues, ce que Ladouceur appelle « l’esthétique bilingue » (2013).

Les surtitres traduits ont la possibilité de créer une expérience très bilingue. Les spectateurs peuvent subir une expérience multilingue en écoutant le dialogue des comédiens et en lisant le texte traduit. De cette façon le surtitrage garde la « dualité linguistique » de la pièce originale. Cependant, les traducteurs des surtitres doivent affronter certaines contraintes de traduction particulières. Par exemple, il faut que les surtitres correspondent à l’action de la pièce, alors ils doivent être concis et succincts pour que le public puisse les lire assez vite. Les surtitres peuvent même distraire les yeux des spectateurs monolingues qui doivent regarder la scène et lire les surtitres en même temps, alors le traducteur doit essayer d’intégrer les surtitres le plus possible dans la scène. En outre, la traduction des surtitres donne moins de liberté par rapport au texte original que les traductions conventionnelles. Bien que la modulation soit un outil de traduction très efficace pour rendre compréhensibles les références culturelles ou linguistiques du texte de départ (TD), l’aspect visuel d’une pièce contraint la créativité du traducteur. Par ailleurs, les spectateurs bilingues vont remarquer cet écart entre le sens du dialogue parlé et le texte traduit. Pour ces raisons, les surtitres exigent que le traducteur reste plus proche du sens littéral du TD.

En plus de son rôle conventionnel de reproduire un dialogue dans une autre langue, le surtitrage offre la possibilité d’ajouter au texte original une dimension créative. Comme le montre Ladouceur, certaines compagnies théâtrales francophones, comme lors d’une representation de Sex Lies et les Franco-Manitobains au campus Saint-Jean à Edmonton, utilisent les surtitres pour différents buts créatifs. Par exemple, le traducteur peut être complètement visible lorsqu’il manipule les surtitres pendant la performance. Parfois les comédiens sont même encouragés à interagir avec le traducteur. La présence du traducteur contribue à sa visibilité à son travail, ce qui n’est pas le cas dans la plupart des œuvres traduites. Par ailleurs, les surtitres peuvent prendre un rôle « méta- théâtral » en permettant de faire des commentaires sur l’action de la pièce ou en devenant un nouveau personnage du spectacle. Ladouceur appelle ce supplément créatif des surtitres le « métadiscours » que ce médium peut offrir au spectacle.

Bien qu’ils posent leurs propres problèmes et contraints au traducteur, le surtitrage est une manière importante de rendre plus accessible et plus visible la production culturelle des communautés linguistiques minoritaires.

 

Elizabeth Robertson (FREN 454)

 

Ouvrages cités

Bassnett-McGuire, Susan. 1985. “Ways through the Labyrinth: Strategies and Methods for Translating Theatre Texts.” In The Manipulation of Literature: Studies in Literary Translation, ed. by Theo Hermans, 87–102. New York : St. Martin’s Press, c1985., 1985. University of Alberta Library. Web. 31 Mar. 2015

Ladouceur, Louise. “Surtitles Take The Stage In Franco-Canadian Theatre.” Target: International Journal On Translation Studies 25.3 (2013): 343-364. Communication & Mass Media Complete. Web. 31 Mar. 2015.

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