Les communautés algérienne et tunisienne

Les raisons de l’immigration

Le Canada est bien connu pour son multiculturalisme qui réunit plusieurs groupes ethniques dans une seule nation. Néanmoins, certains groupes représentent une minorité dans les provinces. En Alberta, les francophones ont formé l’Association Canadienne-Française de l’Alberta (ACFA) avec le but de promouvoir l’identité francophone dans la communauté anglophone et aussi de favoriser un développement social et économique dans la vie des Franco-albertains (Mulatris 4).

Ma recherche se concentrera sur la présence des communautés algérienne et tunisienne dans la francophonie albertaine. L’Algérie est l’un des principaux pays d’où viennent les immigrants francophones avec 155 représentants de 2001 à 2006 (Mulatris 16). Elle est riche en ressources minérales et pétrole. Ce dernier constitue l’une de ces grandes sources de revenus (Sutton et al.). Le pays a été conquis par la France en 1830 et a gagné son indépendance en 1962 (Brown et al.). Quant à la Tunisie, elle a été colonisée par les Ottomans et les Français (Talbi et al). Ensuite, elle est devenue un protectorat de la France (1881-1956); contrairement à l’Algérie qui était un territoire conquis. La souveraineté de la France s’est terminée par un traité signé en 1956 et l’élection d’Habib Bourguiba comme président.

À la différence la Tunisie, l’Algérie devient indépendante par la force. Les troupes françaises et le Front de Libération National (FLN) se battent vigoureusement pour l’indépendance du pays (Sutton et al). Auparavant, les associations nationalistes étaient plus paisibles, mais elles ont changé d’une manière radicale pour atteindre leurs objectifs qui n’ont pas été considérés par les colons. C’est le FLN qui remporte la victoire et dirige l’Algérie. Leur légitimé ne dure pas longtemps. Le peuple demande donc une ouverture dans le système politique pour l’entrée d’autres partis politiques comme le Front Islamique du Salut (FIS). Cependant, la violence éclate à la suite de l’arrêt de la deuxième élection que le FIS a remporté avec le l’appui de la moitié des Algériens. En 1991, le président Chadli déclare un coup d’État contre toute désobéissance civile orchestrée par le FIS. Celui-ci répond avec brutalité par des assassinats, des explosions urbaines et la destruction des infrastructures publiques. Cette période de violence politique est surnommée la « décennie noire », car elle a duré de 1991 de 2001 (Kouaouci 103). D’après l’article de Kouaouci, la crise a causé 200 000 morts, du chômage, des émeutes de la faim, de la méfiance à l’égard du gouvernement et la destruction des familles. Plusieurs Algériens ont immigré pour avoir une vie meilleure et plus de sécurité, non seulement pour eux, mais aussi pour leur famille.

Il y a eu plusieurs crises après l’indépendance qui ont poussé de nombreux Tunisiens à immigrer. Par exemple, un conflit s’est installé entre le parti de Habib Bourguiba (Néo-Destour) et les Yousséfistes (UCA). Les Yousséfistes soutiennent Salah Ben Youssef qui est l’opposant à Bourguiba. Il craignait les actions de la France envers la Tunisie et le nationalisme tunisien lui tenait très à cœur (Valette 66). Pour cette raison, il s’opposait à Habib Bourguiba. En 1954, Youssef a préparé un second front en Tunisie contre le gouvernement avec l’aide des chefs du FLN et des services secrets égyptiens. Leur conflit s’est manifesté par de la violence et des complots clandestins. Même après l’assassinat de Youssef, leur désaccord continue et la population est gravement affectée.

L’installation au Canada et dans l’Ouest

 La plupart des nouveaux arrivants algériens se sont installés dans la zone francophone et urbaine du Canada : Montréal, Ottawa et Toronto. Certains Algériens ont pris le risque de s’installer en Alberta. Ils travaillent dans l’industrie pétrolière et la construction, puisque le marché de travail offre un salaire relativement haut (Camarasa). D’après le tableau 1, le nombre d’immigrants algériens continue d’augmenter lentement de 2011 jusqu’à aujourd’hui.

Dans mon entretien avec Ridha Ahioui, le président de l’Association des Tunisiens de l’Ouest, il mentionne que la plupart des Tunisiens immigrent en Alberta pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants. Il ajoute que « l’Alberta n’est pas la province qui attire le plus les Tunisiens. La majorité s’installe au Québec à cause du confort du français. Néanmoins, le boom économique en Alberta a attiré plus de Tunisiens qu’auparavant. » Cela est évident dans le tableau 1, il y a un accroissement des immigrants en Alberta de 2011 à 2016. 

ANNÉE NOMBRES D’IMMIGRANTS ALGÉRIENS EN ALBERTA NOMBRES D’IMMIGRANTS TUNISIENS EN ALBERTA
2011 650 180
2016 1340 735
2019 1395  —

Tableau 1 — Source : Statistiques Canada

La présence tunisienne et algérienne en Alberta

Bien que les Algériens n’aient pas une grande association en Alberta, il y en a quelques-unes dans la province comme l’Association des Algériens de Calgary fondée en 2005 (Camasara). Leur but est de rassembler tous les Algériens et Algériennes dans la ville de Calgary afin de promouvoir et de préserver leur culture. Étant une minorité parmi la minorité francophone, les immigrants algériens doivent avoir un point de rencontre et de regroupement dans leur nouvel environnement. C’est l’un des objectifs que se donne l’association. Rachid Trabelsi, un Algérien de Calgary a fondé une entreprise pour la vente de ses œuvres d’art (Seker). Dans un article du Franco, il parle de sa passion artistique inspirée par la culture africaine, et en particulier la culture de son pays. Cette passion d’enfance est née plusieurs années après ses études en informatique au Canada. Les tableaux et les œuvres d’art de Trabelsi sont des représentations de ses expériences. Il sert d’exemple de réussite à ses compatriotes.

Soirée interculturelle sur la Tunisie (12 oct. 2019) : photo Le Franco

Le 12 octobre 2019, la FRAP (Francophonie Albertaine Plurielle) en collaboration avec l’association tunisienne a organisé une journée d’échange interculturel « à la découverte de la Tunisie » dans la salle du Bonnie Doon Community League. 250 Tunisiens ont participé à cet évènement parmi les 1 500 Tunisiens dans la ville d’Edmonton. Cet évènement a donné l’opportunité à plusieurs Tunisiens de se connaître et de partager leur culture avec d’autres communautés en Alberta (Gaye). Ahioui affirme que leur but est de rassembler tous les Tunisiens de la province parce qu’ils sont éparpillés et se sentent seuls dans cette grande société anglophone. Les immigrants ne savent pas toujours qu’il y a une association qui peut les aider dans cette grande transition vers le Canada. En plein centre de la ville d’Edmonton se trouve un restaurant qui propose des pâtisseries française, tunisienne et canadienne comme des macarons, des croissants, des éclairs et des sandwiches (Hasni). Le couple, Hakram Hasni et Fadoua Derbel, qui viennent de la Tunisie sont les gérants du restaurant, Macarons & Goodies. De plus, ils offrent des cours de cuisine.

Quelques personnalités importantes

Smail Benamara, l’ambassadeur de l’Algérie au Canada a assisté au sommet sur les services dans le secteur de l’énergie à Edmonton en 2010 (Simmons A5). D’après l’article de Paula Simons, il voudrait que l’Algérie et le Canada puissent faire des partenariats pour renforcer leurs relations commerciales dans le domaine pétrolier (Simons A5). Benamara espère que ces échanges pourront aider l’économie algérienne à prospérer grâce à l’expansion de leurs exports de pétrole dans d’autres pays.

 Une mère et sa fille, Dalila et Loubna, ont créé une entreprise dans le but de partager la cuisine algérienne dans une société où cela est très rare (Moor). Tout comme Trabelsi, elles ont abandonné leur profession. Dalila était professeure de chimie pendant douze ans en Algérie, et sa fille détient un baccalauréat en sociologie et psycho-sciences du Campus Saint-Jean. L’entreprise ABC Emballuxe de Montréal leur est venue en aide et elles ont réussi à accomplir leur rêve. Une entreprise familiale de pâtisserie algérienne est donc née et cela apporte une diversité de nourriture proposée dans l’Ouest du Canada. Leurs témoignages et accomplissements sont remarquables en tant qu’Algérienne au sein de la francophonie albertaine.   

Une personne importante dans la communauté tunisienne albertaine est Ridha Ahioui. C’est un homme qui a plusieurs professions : il est le président de l’Association des Tunisiens de l’Ouest, professeur d’anglais à l’Université d’Alberta et conseiller à la Cité francophone. Son objectif est d’agrandir son association pour accueillir et servir d’autres Tunisiens, d’organiser des évènements rassembleurs avec de la musique et de la nourriture. Tout comme ses homologues algériens, Ahioui reconnaît la difficulté d’établir une association vivante avec l’appui de ses membres. Il a fait part de plusieurs difficultés qui empêchent la réalisation de ses objectifs pendant notre entretien personnel. L’association aurait besoin d’un local permanent pour faciliter les réunions et les événements. Il faudrait une aide financière, mais le comité de direction ne sait pas où trouver les fonds.

Conclusion

 Pour conclure, les Algériens et les Tunisiens possèdent des similarités et des différences. Les deux peuples ont été colonisés par la France et font une place importante à cette culture. Beaucoup d’Algériens et de Tunisiens parlent couramment français. Néanmoins, la relation que la Tunisie entretient avec la France est plus paisible que celle de l’Algérie. Ces deux communautés sont très jeunes dans la société francophone en Alberta et encore plus dans la province albertaine. Ils ont immigré à cause de l’instabilité de leur pays natal à la recherche d’avenir meilleur pour eux-mêmes et leur famille. Il est vrai que ces communautés se distinguent petit à petit par la création d’associations, de restaurants et de magasins. Cependant, il y a encore un grand chemin à faire pour assurer leur succès dans la société canadienne.

Eunice Kouadio (FREN 317)

Bibliographie  

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Eldib, Ghada. « Al-Salam Centre Archives. » Muslim Association of Canada — Calgary Chapter, Muslim Association of Canada — Calgary Chapter, 20 Aug. 2019, https://maccalgary.ca/events/category/mac-calgary/alsalamcentre/.

Gaye, Geoffrey. « Les Franco-Albertains Découvrent La Tunisie, Un Peuple Fier Tourné Vers L’Occident. » Le Franco, 18 Oct. 2019, https://lefranco.ab.ca/edmonton/les-franco-albertains-decouvrent-la-tunisie-un-peuple-fier-tourne-vers-loccident/.

 Hasni, Hakram. Derbel, Fadoua. « Macarons & Goodies. » Macarons & Goodies, Mohi Infotech, http://www.macaronsgoodies.com/about-us/.

Kouaouci, Ali et Saadi Rabah. « La reconstruction des dynamiques démographiques locales en Algérie (1987-2008) par des techniques d’estimation indirecte. » Cahiers québécois de démographie, volume 42, numéro 1, printemps 2013, p. 101–132. https://doi-org.login.ezproxy.library.ualberta.ca/10.7202/1017099ar

Moor, Alexandra. « ABC Emballuxe S’installe À Edmonton — Le Franco ». Le Franco, 2016, https://lefranco.ab.ca/publireportages/abc-emballuxe-s-installe-a-edmonton/.

Mulatris, Paulin. « Association Canadienne-Francaise de l’Alberta : Enquête sur l’immigration francophone en Alberta. » Evaluation Plus, 2008, pp. http://www.acfa.ab.ca/Documents/immigration/20080831_EnqueteSurLImmigrationFrancophoneEnAlberta.pdf.

Ridha, Ahioui. Entretien personnel. Par Eunice Kouadio. 6 novembre 2019.

Seboussi, Nadia. Image et mémoire : le statut, l’usage et la fonction du photojournalisme dans le contexte de la guerre civile algérienne (1991 — 2001) abordes das une pratique de l’installation vidéographique. Mémoire-Création, 2012.

Seker, Fuat. « Rachid Trabelsi : L’Art Comme Fil Rouge — Le Franco ». Le Franco, 2018, https://lefranco.ab.ca/calgary/rachid-trabelsi-l-art-comme-fil-rouge/.

Simons, Paula. « Arab Envoys Seek Stronger Ties to Alberta; More than Oil on Agenda of Diplomats » Tour. »Edmonton Journal, 16 avril 2013, p. A5. ProQuest, http://login.ezproxy.library.ualberta.ca/login?url=https://search-proquest-com.login.ezproxy.library.ualberta.ca/docview/1327678254?accountid=14474.

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