La fille du facteur, ma mère et les surtitres

« So wait, we’re going to see a French play but with subtitles? How does that even work? »

– Ma mère

L’autre jour, je suis allé voir La fille du facteur à l’Unithéâtre. Ma mère et ma sœur m’ont accompagné. En arrivant sur la rue Marie-Anne Gaboury, ma mère m’a posé cette question. Je lui expliquais que la pièce aurait des surtitres et non pas des sous-titres, car le texte se trouve au-dessus de la scène. Ayant eu une explication sur les surtitres pendant mon cours de traduction à l’UdeA la semaine précédente, je disais à ma sœur qu’on ferait un test. Ma sœur parle le français alors, on voulait savoir à quel point l’expérience serait différente pour notre mère. 

Tandis que nous prenions nos places dans le théâtre, tout autour de nous les gens jasaient en français. Il nous semblait que la plupart des autres spectateurs étaient francophones. Aussitôt que la pièce a commencé, j’ai su que cette hypothèse était bonne.

Ma mère aime rire. Sachant qu’elle peut lire plus rapidement que la comédienne parle, il n’était pas surprenant que ma mère éclate de rire avant que la blague soit prononcée à l’oral. La discordance entre les rires de ma mère et les rires des autres me faisait rigoler sans cesse, ma sœur aussi.

En gros, les surtitres étaient vraiment efficaces et bien faits. Quelques choix me semblaient un peu bizarres, comme l’oscillation entre la traduction mot-à-mot et l’emprunt de « Trois Rivières ». Ainsi, certaines images et symboles étaient perdus durant le changement de langue comme l’importance de la lune dans certaines expressions. Un exemple est la traduction de l’expression « avoir la tête dans la lune » comparée à « head in the clouds ». Malgré ces différences, ma mère pouvait tout comprendre et j’ai découvert un bon exercice en essayant de retraduire les surtitres pour deviner ce que Josée Thibeault dirait la prochaine fois.

La pièce solo de Josée Thibeault nous présentait sa vie. Venant du Québec, Thibeault nous racontait son odyssée vers l’Ouest ainsi que ce que cela voulait dire d’être la fille d’un facteur. À travers de nombreuses anecdotes personnelles et de petites vedettes géographiques ou explicatives, la pièce abordait les thématiques de l’amour, de l’identité et de la stagnation quand on ne sait plus quoi faire avec notre vie. En résumé, Thibeault était merveilleuse et l’histoire provoquait à la fois de la joie et de la douleur implicite à la vie. La mise en scène était simple, mais quand même captivante avec l’usage efficace des projections en arrière-plan et au plancher.

En bref, ma mère a bien compris la pièce. Même s’il y avait quelques pertes dans la traduction, les autres composantes renforçaient les thématiques et assuraient la compréhension. Après avoir regardé le spectacle, les surtitres m’intéressent beaucoup plus qu’auparavant. En retournant chez nous, ma mère m’a même dit qu’elle aimerait voir une autre pièce en français! Mais, pour tout dire, j’avoue que je ne lui ai pas dit qu’elle riait trop tôt à chaque fois. 

John Kunicki (FREN 454)