Le sourire

J’avais douze ans tandis que mon frère en avait huit. Nous jouions sur le carré de terre derrière notre petite maison. Nous avions trouvé de grosses pierres, alors je les lançais tandis que mon frère essayait de les frapper avec un bâton. Il manquait la plupart du temps, mais je me souviens distinctement de ce sourire sur son visage chaque fois qu’il réussissait. Son sourire était toujours là. Il était encore trop jeune pour comprendre la façon dont les autres nous traitaient. Les commentaires que les enfants blancs murmureraient au parc, un peu trop fort pour que nous puissions les entendre. C’était le sourire qui m’a toujours donné de l’espoir. Est-il possible d’être heureux dans un monde où ils ne veulent pas de vous? Peut-être que le sourire est une forme de rébellion elle-même.

Maman nous a appelés pour dîner, alors j’ai demandé à mon frère d’y aller pendant que je cherchais un endroit pour garder les pierres et le bâton afin que nous puissions jouer la prochaine fois. En quelques secondes, deux hommes blancs m’ont attrapé. Ils m’ont emmené loin de la maison, une main sur ma bouche pour étouffer mes cris. J’ai essayé de me débattre, mais ils me tenaient trop fort. Ils m’ont emmené de plus en plus loin de chez moi, dans la forêt à l’abri des regards indiscrets. Là, ils m’ont attaché les mains et m’ont traîné jusqu’à ce que le soleil commence à se coucher. Quand nous sommes arrivés à une petite maison, ils m’ont attachée à un poteau. Ils m’ont donné de la nourriture et de l’eau et ils sont allés dans une autre chambre. Je n’ai pas mangé. J’étais impuissant.

Quand le soleil s’est levé, les hommes sont revenus et m’ont puni pour ne pas avoir mangé. Ils m’ont jeté de la nourriture et m’ont frappé le dos avec une chaise, des sourires sur leurs visages. Ces hommes ont mutilé le sourire qui donnait naguère courage et espoir, le transformant en une forme de ridicule. Faire une blague du peu de foi que j’avais encore. Je suis tombé au sol et j’ai pleuré. Ils m’ont mis dans un sac et m’ont porté pendant longtemps. Nous avons dû voyager pendant des jours. Ils m’ont parfois sorti du sac et m’ont attaché les mains et m’ont fait marcher. Nous nous sommes arrêtés pour nous reposer quand il faisait noir et ils m’ont nourri avec leurs déchets. Ils m’ont ligoté, donc je ne pouvais pas m’enfuir. Je n’avais pas d’énergie pour courir de toute façon.

Après un voyage au long cours, nous sommes arrivés à un quai. Les hommes m’ont échangé pour de l’argent et m’ont mis sur un petit bateau encombré de gens comme moi. Filles, garçons, hommes, femmes. Mais nous avions deux choses en commun. Nous étions noirs et personne ne souriait. Un homme s’est tourné vers moi, le visage vide de toute expression, et a murmuré à propos d’un endroit appelé Gorée. Il a détourné rapidement les yeux et je me suis demandé ce qu’il voulait dire. Nous avons navigué vers une île où les hommes blancs nous ont forcés à descendre du bateau et nous avons marché sur une route bordée d’énormes maisons. Je m’attendais à ce qu’ils décollent un par un et nous emmènent dans ces maisons pour travailler, comme le disent les rumeurs qui circulent dans mon village. Mais nous avons continué à marcher, la tête baissée.

Nous sommes arrivés dans un grand bâtiment au bord de l’île. Contrairement aux maisons élégantes que nous avons passées, ce bâtiment avait de grands murs construits en pierre et de petites fenêtres trop hautes. Un homme blanc a déverrouillé une grande porte et nous a poussés dedans. J’ai immédiatement senti une odeur toxique. C’était quelque chose que je n’avais jamais ressenti. J’ai eu un haut-le-cœur. Un froid soudain m’a saisi alors que je traversais la chambre bondée. Je suis passé à côté d’enfants et de femmes, enchaînés aux murs. Ils se réconfortaient entre eux, pleuraient.

Mes assaillants m’ont mis dans une cellule avec d’autres hommes, les portes ont claqué. Les autres comme moi n’avaient pas de sourires sur leurs visages. Je me demandais si mon frère souriait toujours. Était-il encore à la maison? Où était-il sur une île quelque part ailleurs, comme moi? Ce sourire était mon espoir: mon identité. On m’a arraché ce sourire et mon frère. Il n’y a plus de sourire ici, car il n’y a rien que nous puissions changer. Je souhaitais que l’espoir soit réel. Mais maintenant, je vois que ce n’était qu’une illusion. Je me suis rendu compte que j’étais seul. Que nous étions tous seuls ! À ce moment, j’ai su que la personne que j’étais était morte.

J’avais douze ans, mon frère avait huit ans. Nous jouions sur le carré de terre derrière notre petite maison. Nous avons trouvé de grosses pierres, alors je les lançais tandis que mon frère essayait de les frapper avec un bâton. Il manquait la plupart du temps, mais je me souviens distinctement de ce sourire sur son visage chaque fois qu’il réussissait. Son sourire était toujours là. Il était encore trop jeune pour comprendre la façon dont les autres nous traitaient. Les commentaires que les enfants blancs murmureraient au parc, un peu trop fort pour que nous puissions les entendre. C’était le sourire qui m’a toujours donné de l’espoir. Est-il possible d’être heureux dans un monde où ils ne veulent pas de vous? Peut-être que le sourire est une forme de rébellion elle-même.

Maman nous a appelés pour dîner, alors j’ai demandé à mon frère d’y aller pendant que je cherchais un endroit pour garder les pierres et le bâton afin que nous puissions jouer la prochaine fois. En quelques secondes, deux hommes blancs m’ont attrapé. Ils m’ont emmené loin de la maison, une main sur ma bouche pour étouffer mes cris. J’ai essayé de me débattre, mais ils me tenaient trop fort. Ils m’ont emmené de plus en plus loin de chez moi, dans la forêt à l’abri des regards indiscrets. Là, ils m’ont attaché les mains et m’ont traîné jusqu’à ce que le soleil commence à se coucher. Quand nous sommes arrivés à une petite maison, ils m’ont attachée à un poteau. Ils m’ont donné de la nourriture et de l’eau et ils sont allés dans une autre chambre. Je n’ai pas mangé. J’étais impuissant.

Quand le soleil s’est levé, les hommes sont revenus et m’ont puni pour ne pas avoir mangé. Ils m’ont jeté de la nourriture et m’ont frappé le dos avec une chaise, des sourires sur leurs visages. Ces hommes ont mutilé le sourire qui donnait naguère courage et espoir, le transformant en une forme de ridicule. Faire une blague du peu de foi que j’avais encore. Je suis tombé au sol et j’ai pleuré. Ils m’ont mis dans un sac et m’ont porté pendant longtemps. Nous avons dû voyager pendant des jours. Ils m’ont parfois sorti du sac et m’ont attaché les mains et m’ont fait marcher. Nous nous sommes arrêtés pour nous reposer quand il faisait noir et ils m’ont nourri avec leurs déchets. Ils m’ont ligoté, donc je ne pouvais pas m’enfuir. Je n’avais pas d’énergie pour courir de toute façon.

Après un voyage au long cours, nous sommes arrivés à un quai. Les hommes m’ont échangé pour de l’argent et m’ont mis sur un petit bateau encombré de gens comme moi. Filles, garçons, hommes, femmes. Mais nous avions deux choses en commun. Nous étions noirs et personne ne souriait. Un homme s’est tourné vers moi, le visage vide de toute expression, et a murmuré à propos d’un endroit appelé Gorée. Il a détourné rapidement les yeux et je me suis demandé ce qu’il voulait dire. Nous avons navigué vers une île où les hommes blancs nous ont forcés à descendre du bateau et nous avons marché sur une route bordée d’énormes maisons. Je m’attendais à ce qu’ils décollent un par un et nous emmènent dans ces maisons pour travailler, comme le disent les rumeurs qui circulent dans le village chez moi. Mais nous avons continué à marcher, la tête baissée.

Nous sommes arrivés dans un grand bâtiment au bord de l’île. Contrairement aux maisons élégantes que nous avons passées, ce bâtiment avait de grands murs construits en pierre et de petites fenêtres trop hautes. Un homme blanc a déverrouillé une grande porte et nous a poussés dedans. J’ai immédiatement senti une odeur toxique. C’était quelque chose que je n’avais jamais ressenti. J’ai eu un haut-le-cœur. Un froid soudain m’a saisi alors que je traversais la chambre bondée. Je suis passé à côté d’enfants et de femmes, enchaînés aux murs. Ils se réconfortaient entre eux, pleuraient.

Mes assaillants m’ont mis dans une cellule avec d’autres hommes, les portes ont claqué. Les autres comme moi n’avaient pas de sourires sur leurs visages. Je me demandais si mon frère souriait toujours. Était-il encore à la maison? Où était-il sur une île quelque part ailleurs, comme moi? Ce sourire était mon espoir: mon identité. On m’a arraché ce sourire et mon frère. Il n’y a plus de sourire ici, car il n’y a rien que nous puissions changer. Je souhaitais que l’espoir soit réel. Mais maintenant, je vois que ce n’était qu’une illusion. Je me suis rendu compte que j’étais seul. Que nous étions tous seuls ! À ce moment, j’ai su que la personne que j’étais était morte.

Daniella Burke (AUFRE 377)