Lettre écrite en 1941 à La Survivance, journal francophone

Nous vivons dans un pays bilingue. Mais dans la plus grande région de notre pays, l’anglais a plus d’importance et de prestige que le français. Le système d’éducation en Alberta est un exemple pertinent de ce fait. En Alberta, ainsi que dans la plupart des provinces de l’Ouest canadien, nos écoles sont surtout anglophones. Notamment, aujourd’hui, en l’an 1941, on compte 95 écoles qui offrent un cours élémentaire de français (French primary course). Ces écoles offrent un enseignement en français pendant une heure complète de la journée. Cette lettre que j’adresse à tous les lecteurs de La Survivance, qu’ils soient francophones ou non, a pour but de souligner l’importance de l’éducation dans la langue maternelle. Cette importance devient évidente lorsqu’on compare la situation du français dans nos écoles et le système à l’époque de l’Empire romain en Gaule.

Pendant l’époque de l’Empire romain, dans la région de la France actuelle, toutes les écoles étaient dirigées par les Romains. Donc, l’enseignement se faisait en latin, qui était la langue du pouvoir. Ces conditions ont largement contribué à la disparition de la langue des Gaulois, le peuple opprimé par les Romains. Puisque l’éducation latine permettait aux jeunes d’obtenir la citoyenneté romaine, les parents des enfants gaulois voulaient que leurs enfants fréquentent l’école latine pour apprendre cette langue. Sachez que la citoyenneté romaine était un excellent moyen de se garantir une bonne qualité de vie avec des possibilités d’emplois. Mais cette citoyenneté, les jeunes la payaient cher. Les élèves gaulois ne pouvaient pas parler leur langue à l’école. Alors, leur seule chance de parler leur langue était quand ils se trouvaient chez eux, avec leurs familles. Puisque ces jeunes passaient plus de temps à l’extérieur du foyer à se faire éduquer en latin, la transmission de la langue gauloise, et des connaissances qui vont avec cette langue, a été très endommagée. En somme, l’éducation latine a été un facteur important dans la disparition de la langue, de la culture, et de l’identité gauloise.

Les similarités entre cette histoire et notre situation comme francophones en Alberta en l’an 1941 indiquent que notre français pourrait suivre un déclin semblable. Comme les Gaulois, nous vivons dans une société où la langue du pouvoir − celle qui joue le plus grand rôle dans le système gouvernemental − n’est pas notre langue. Comme à l’époque des Gaulois, aujourd’hui le fait de connaître la langue dominante nous procure plus de droits et d’opportunités. Et finalement, comme les Gaulois, notre système éducatif est géré par cette langue dominante qui n’est pas notre langue. Mais nous avons quand même plus de chance parce que notre langue a un petit peu d’espace dans les écoles (une heure d’espace), tandis que la langue gauloise n’avait aucune place dans les écoles latines. Dans l’ensemble, la situation de notre communauté et celle des tribus gauloises sous le contrôle des Romains sont très semblables. Donc, ce n’est pas complètement déraisonnable de conclure que, si rien ne change, la culture française de l’Ouest canadien pourrait disparaître un jour.

Suivant cette comparaison entre nous les francophones de l’Ouest canadien et les Gaulois de l’Empire romain, que pouvons-nous déduire par rapport à l’importance de l’éducation pour la survie de notre langue? RÉPONSE. Pour qu’une langue puisse survivre, il est nécessaire que cette langue, ainsi que ses connaissances, ses idéaux et sa culture soient transmis de génération en génération. Comment est-ce que cette transmission s’effectue? RÉPONSE. Par l’éducation. Quand nos enfants vont à l’école, la plus grande partie de leur apprentissage a lieu dans cet établissement. Donc, si nos enfants apprennent dans une langue autre que notre langue, ils héritent d’une culture autre que notre culture. RÉSULTAT. Notre langue et notre culture francophone occuperont de moins en moins d’espace dans la vie de nos enfants. Malheureusement, nos enfants risquent de perdre le français complètement au fur et à mesure qu’ils continuent leur éducation. C’est pourquoi nous devons prendre des mesures pour augmenter les droits du français dans le système éducatif de l’Alberta.

Essentiellement, une comparaison entre la disparition de la langue gauloise lors de la période de l’Empire romain et notre situation comme francophones de l’Ouest canadien indique que la survie du français dépend largement de l’éducation francophone. Mais comme parents, que pouvons-nous faire pour promouvoir la francophonie en éducation? Honnêtement, je n’ai pas toutes les réponses. Mais je crois que des actes simples pourraient mener à un changement de taille. Il faut procéder une (minuscule) étape à la fois.

Michelle Albrecht (FREN 371)

 

 

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