Deux mondes opposés

Le jeudi 16 janvier, je suis allée voir le film « Intouchables » au cinéma Garneau à Edmonton. Présélectionné pour la nomination du meilleur film étranger aux Oscars, cet excellent film aurait dû, à mon avis, être pris en considération pour les nominations officielles. Selon le jeu de mot du titre, les deux héros, rejetés par la société, deviennent invincibles l’un aux côtés de l’autre. À l’aide de l’humour et du rire, ils s’aident mutuellement à réintégrer la société. Cette notion de coexistence entre une langue source et une langue cible est un des grands défis de l’art de la traduction.

La première scène du film est une ellipse qui nous emmène vers le dénouement de l’histoire. Je pense que cette scène d’ouverture a été choisie par le réalisateur pour nous pousser à nous affranchir de nos préjugés et de nos idées préconçues tout en nous préparant à être bouleversés et à nous attendre à l’inattendu. À l’aide d’un flash-back, le film nous ramène tout au début de l’histoire où deux personnalités opposées se rencontrent. Philippe est un homme riche, instruit et paralysé tandis que Driss est un immigrant pauvre, inculte et délinquant. En apparence, tout semble opposer les deux héros mais, en réalité, ils se complètent. Tous deux ont une soif inapaisable de vie et d’aventure.

À la recherche de sensations, Philippe embauche Driss, qui est le seul à le traiter comme un homme normal et non comme un handicapé. L’honnêteté de Driss et sa joie de vivre aident Philippe à sortir de son cocon, à se métamorphoser en papillon et à entreprendre une nouvelle vie. Les deux héros ont réussi à repousser leurs limites et à s’affranchir des barrières que la société leur imposait. Ils ont appris l’un de l’autre non seulement la tolérance, mais également à s’accepter l’un l’autre. Ils ont appris à mieux apprécier  les choix de l’autre dans le domaine de l’art, de la musique et du mode de vie. Nous voyons enfin Philippe oser réprimander sa fille gâtée tandis que Driss apprend à rappeler le voisin, sans le menacer, d’arrêter de garer sa voiture devant le portail de la maison.

J’ai beaucoup aimé que les détails de l’histoire s’entrelacent du début jusqu’à la fin du film. Alors que Philippe accepte de rencontrer Eléonore, sa correspondante épistolaire, il décide de se retirer à la dernière minute. De même, Driss, observant sa mère de loin, n’ose pas l’approcher. Quant à l’œuf Fabergé que Driss vole à Philippe au début du film, nous nous rendons compte qu’il fait partie d’une série d’œufs que l’épouse décédée de Philippe lui donnait chaque année de mariage. À la fin du film, Driss le rend à Philippe, signalant une nouvelle année de bonheur pour Philippe qui finalement rencontre Eléonore, qu’il épousera et avec qui il fondera une nouvelle famille. Dans cette scène aussi, l’histoire revient à son point de départ. Philippe, qui a donné une deuxième chance à Driss au début du film en l’embauchant, reçoit une deuxième chance grâce Driss à la fin du film. Ensemble, Philippe et Driss réussissent à découvrir le meilleur d’eux-mêmes et à surmonter leurs craintes, leurs erreurs et leur passé. Ils s’entraident dans le but de réévaluer leurs chemins et pour se recréer chacun une nouvelle vie

Cette dualité entre les deux personnalités et leurs deux modes de vie me rappelle la démarche délicate que tous les traducteurs poursuivent pour accommoder deux langues différentes. Il s’agit tout le temps d’atteindre un équilibre fragile qui exige beaucoup de travail, de patience et de finesse. Comme Philippe et Driss qui représentaient deux extrêmes au début du film mais, qui avec le temps, ont évolué en trouvant un juste milieu, l’art de la traduction est aussi une rencontre de deux mondes opposés. Une bonne traduction nécessite que tous les éléments du texte source soient rendus d’une manière fluide dans le texte cible.

Sonia Habashy

FREN 454

Leave a Reply