Tempus Extraordinarius ou l’Éternel recommencement de l’histoire…

Dans l’optique de participer à une activité dans la communauté française d’Edmonton, j’ai assisté à la dernière représentation de « Tempus Extraordinarius », le samedi 10 février 2018. Il s’agit d’une pièce de théâtre bilingue, avec une majorité de français, présentée à l’Unithéâtre. Dans le programme, il est dit que cette pièce est inspirée « (du) monde, chaque jour un peu plus gagné par le chaos (…) ainsi que (de) l’œuvre de Shakespeare ». Les auteurs-comédiens, Sophie Brech et Louis Fortier avaient déjà travaillé ensemble en créant une première pièce avec les mêmes personnages, Tubby et Nottubby.

La pièce était entièrement traduite en français et en anglais, simultanément, grâce à des surtitres, ce qui était une première pour moi. Je crois que les surtitres et le bilinguisme sont de très bonnes initiatives au niveau de l’accessibilité culturelle et linguistique. La plus grande partie du texte était retranscrite, ce qui, au niveau de la compréhension, était suffisant il me semble. J’ai trouvé les surtitres très fidèles au texte parlé, ce qui était agréable. Cependant, j’ai le sentiment qu’une personne ne parlant qu’une seule des deux langues ne saisirait sans doute pas les onomatopées, exclamations et répétitions de certains mots qui contribuent à l’effet comico-dramatique.

Plutôt que de m’évoquer les attentats de Paris (qui étaient cités en tant que sources d’inspiration), la pièce m’a fait à l’éternel recommencement de l’Histoire. En effet, au début de la pièce, les personnages sont enfermés dans une sorte de ghetto, privés de tout, affamés. Puis, ils sont emmenés en prison, sans vraie raison, où une voix anonyme leur répète qu’ils ne sont personne. Cette déshumanisation, le travail forcé, cela rappelle fortement, à mon sens, les camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, les personnages « s’échappent » et arrivent sur une île déserte, paisible, loin de la misère du monde, bien que celle-ci finisse cependant par les rattraper à nouveau sous la forme d’une guerre. Cette idée de privation des droits, d’enfermement, d’inégalité injuste, me fait penser à la situation des Juifs dans les années 1940, mais aussi aux conditions de vie des migrants affluant actuellement en Europe. Les évènements sont totalement différents, mais les conséquences sont similaires. Ce qui me saute aux yeux dans cette pièce c’est le recommencement, le cercle vicieux dans lequel sont Tubby et Nottubby, alternant entre joie et misère. Et, à travers les vies de ces personnages, le recommencement de l’Histoire en elle-même, alternant entre prospérité et chaos.

Juliette Desmonts (FREN 454)