Matthieu a perdu ses jambes

Matthieu se réveille avec un mal de tête et un sentiment bizarre dans la région des jambes. Il lève la tête pour les regarder, puis soudain, il se sent très étourdi. Il baisse rapidement la tête et ne réussit pas à les voir. En la reposant, il observe les murs blancs qui l’emprisonnent et écoute le son régulier des moniteurs cardiaques, puis il se rend compte qu’il est dans un hôpital. Il sent une panique qui commence à monter dans la gorge tandis qu’il se demande la raison pour laquelle il est là. Il sent son cœur s’accélérer tandis que des centaines de raisons possibles pour son hospitalisation se bousculent dans son cerveau. Il se concentre sur ses jambes et les touche avec les doigts, puis il se rend compte qu’elles manquent de sensation. La panique l’étouffe et des larmes commencent à couler de ses yeux. Il essaye de se rappeler de ce qui est arrivé et soudain, des images de l’accident remplissent son cerveau : il a été frappé par un véhicule en traversant la vue. Tout à coup, il entend la porte s’ouvrir, puis il voit sa mère entrer et son visage qui s’illumine en le voyant :

— Matthieu! Tu es finalement réveillé! s’exclame-t-elle avec soulagement.

— Oui… dit-il sombrement. Le sourire sur le visage de sa mère disparaît, puis elle le regarde de façon encore plus sévère. L’empathie envahit son visage, puis elle s’assoit de façon précaire sur le côté de son lit :

— Matthieu, tu es chanceux d’être vivant…

— Non! Où sont les toubibs? Ils doivent me soigner! Je ne peux pas vivre sans mes jambes, conclut-il en pleurant.

— Mon gars, je sais que tu veux être guéri, mais ils ne sont pas cons et ils savent bien qu’il n’y a rien qu’ils puissent faire… Ils se regardent en silence pendant un long moment, puis enfin, sa mère brise le silence :

— Tu veux en parler?

— Non, dit-il en tournant la tête dans la direction opposée.

— D’accord, je reviendrai plus tard, murmure-t-elle tristement en se levant et en quittant la chambre. Matthieu reste seul avec ses pensées et il ne sait absolument pas comment changer ce qui est arrivé. Il ne veut pas du tout vivre sans jambes. Que font les jeunes garçons sans jambes? pense-t-il. Il ne réfléchit qu’à sa condition pendant le restant de la journée. Il ne parle à personne et continue simplement à pleurer.

Matthieu passe deux jours dans la solitude dans son lit avant que l’infirmière ne le force à sortir pour voir les autres enfants. Il ne veut pas, car il ne désire pas être vu en fauteuil roulant, mais on ne lui a pas donné le choix. Il s’approche des autres enfants qui jouent, puis ils lèvent tous leur tête. Le plus gros garçon se présente :

— Je m’appelle Popcorn. Mes copains sont Bacon et Einstein. Comment t’appelles-tu?

— Matthieu.

— On devrait t’appeler “poisson”, parce que tu ne peux pas marcher, suggère Einstein.

— Arrête de déconner! réprimande Popcorn. Alors, qu’est-ce qui t’est arrivé?

— Je traversais la rue quand un véhicule m’a frappé et a détruit mes jambes. Ça m’a laissé paralysé des pieds jusqu’à la taille.

— C’est moche ça, dit Popcorn.

— Oui, et la raison pour laquelle je suis encore ici c’est parce que j’ai aussi des lésions cérébrales et ils doivent faire des tests, explique Matthieu aux garçons qui le regardent avec curiosité. Popcorn hoche la tête. Bacon fait un pas pour s’approcher de Matthieu :

— Au moins tu vas survivre, ce n’est pas le cas de plusieurs d’entre nous. C’est chouette que Dieu t’ait sauvé la vie. Ses mots résonnent dans le cerveau de Matthieu comme un écho dans les montagnes, puis il réalise que Bacon a raison. Il sourit pour la première depuis qu’il est arrivé :

— Merci, je n’ai jamais pensé à cela… Je vous reverrai bientôt, dit-il aux garçons en se tournant avec son fauteuil roulant.

Il se précipite vers sa chambre pour parler à sa mère. Il veut s’excuser pour son attitude des derniers deux jours et lui dire qu’elle avait raison que la vie continuera. Enfin, il voit de la lumière là où il pensait qu’il n’y en avait plus.

Danika Bouvier (FREN 297)