Une décennie marquante

À travers le vingtième siècle, les attitudes et les normes entourant la sexualité ont connu de nombreuses fluctuations. Mais le changement le plus significatif a peut-être eu lieu pendant la « révolution sexuelle » des années 1960.

Parmi les effets majeurs de cette révolution, on compte une parole plus ouverte et honnête sur le désir et la sexualité, et une plus grande tolérance pour l’homosexualité et les relations sexuelles non conjugales et non procréatrices. Après les années 50 quand la conformité était si valorisée, la variété est devenue plus acceptable. L’heteronormativité était encore commune, mais l’idée que l’hétérosexualité n’était pas la seule option devenait plus répandue.

Plusieurs facteurs ont contribué à cette révolution sociale et culturelle, y compris des facteurs scientifiques. La contraception pour les hommes et les femmes est devenue plus largement disponible, et les antibiotiques ont commencé à guérir les maladies transmises sexuellement comme la syphilis. Malgré le fait qu’ils étaient illégaux jusqu’en 1969, les avortements sont devenus plus communs. On estime qu’entre 35 000 et 120 000 avortements ont eu lieu au Canada chaque année pendant les années 1960. D’un point de vue médical, il semblait que les conséquences des relations sexuelles disparaissaient presque entièrement.

La pensée sociale sur les relations sexuelles changeait aussi. Pendant des centaines d’années, leur fonction acceptée en occident était la procréation, pour assurer la continuité de la ligne et des valeurs familiales. Avant l’invention de la médecine moderne, quand il était commun de perdre au moins quelques enfants à cause de maladies comme la rougeole, la variole, la scarlatine et la tuberculose avant qu’ils atteignent l’âge d’adulte, il fallait avoir beaucoup plus d’enfants pour assurer la continuité du nom de famille. Mais vers les années 60, la plupart de ces maladies étaient presque complètement éradiquées, et la grande majorité des enfants survivaient jusqu’à l’âge adulte. La moyenne au Canada était seulement de deux ou trois enfants par famille; la procréation ne suffisait donc plus comme seule justification pour les relations intimes. L’opinion publique commençait à accepter la sexualité comme une partie normale de la vie sociale et émotionnelle des adultes, et ce changement de paradigme a eu des conséquences importantes pour le discours sur la sexualité.

Pendant les années 1960, la revendication de droits civils pour les Afro-Américains, les Afro-Canadiens et les femmes s’est accrue, et cette attitude d’émancipation s’étendait aux minorités sexuelles. En mai 1969, le gouvernement de Pierre Trudeau a adopté le projet de loi C-150 qui décriminalisait les actes homosexuels au Canada. Cette étape extrêmement importante reconnaissait la validité de l’homosexualité comme une orientation légitime et normale et non plus comme une maladie mentale ou une tendance dangereuse. En 1969, le Front de libération homosexuel est né aux États-Unis, suivi de sa contrepartie canadienne en 1971. En 1970, le premier défilé de la fierté gaie a eu lieu à Boston. Bien que la discrimination contre les homosexuels soit encore forte dans certaines parties de la société, une sous-culture émergeait qui remplaçait la honte d’une orientation différente par de la fierté.

La censure de la sphère publique a diminué considérablement pendant cette décennie, ouvrant la voie à des films et à des livres qui examinaient la sexualité de manière plus franche. Le code Hays, qui interdisait de montrer ou discuter de la nudité, de l’adultère ou de la « perversion sexuelle » dans les films, a été aboli en 1966. La même année, la Cour suprême des États-Unis a décidé que les livres pourraient seulement être censurés comme « obscènes » s’ils n’avaient aucune importance sociale, ce qui a mis fin presque complètement à la censure des livres.

L’attitude sociale de permissivité des années 60 n’a pas duré indéfiniment; avec l’épidémie du sida au début des années 80, un certain nombre d’arguments pro abstention sont revenus. Mais la conscientisation et la reconnaissance publique de la diversité sexuelle qui se sont produites pendant cette décennie ont marqué un chapitre très influent dans l’histoire de la sexualité en Amérique du Nord.

Julia Stanski (FREN 298)

 

Références

“Fécondité : moins d’enfants, mères plus âgées”. Statistique Canada, http://www.statcan.gc.ca/pub/11-630-x/11-630-x2014002-fra.htm. Accédé le 25 mars 2017.

Rau, Krishna. “​Droits des lesbiennes, des gais, des bisexuels et des transgenres au Canada”. Historica Canada, http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/droits-des-lesbiennes-des-gays-des-bisexuels-et-des-transgenres-au-canada/. Accédé le 26 mars 2017.

“Révolution sexuelle”. Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_sexuelle. Accédé le 24 mars 2017.

Weinberg, Achille. “La libération sexuelle et ses lendemains”. Sciences Humaines, https://www.scienceshumaines.com/la-liberation-sexuelle-et-ses-lendemains_fr_2582.html. Accédé le 24 mars 2017.