La communauté congolaise à Edmonton

En 2006, on proposait de changer le nom de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) en Association canadienne francophone de l’Alberta afin de mieux représenter les diverses cultures constituant la communauté franco-albertaine. Malgré le rejet de la proposition, le débat qu’elle a provoqué soulignait l’importance des défis auxquels les immigrants francophones font face. Déjà minoritaires dans la communauté d’accueil, les immigrants francophones sont doublement isolés, car ils ne s’identifient ni à la majorité anglophone, ni à la population de souche canadienne-française (Mulatris 148-155). De plus, certains sont victimes de racisme, ce qui stratifie davantage la communauté francophone et décourage l’initiative de s’engager dans cette communauté (M’pindou 35). Le manque de fierté et la défiance envers sa propre culture sont symptomatiques de cette isolation et les jeunes immigrants sont particulièrement vulnérables : certains se tournent vers des activités criminelles pour acquérir un sentiment d’appartenance (M’Pindou 34-35). Pour éviter ces problèmes sociaux graves, il faut reconnaître la contribution de chaque communauté francophone afin de mieux comprendre et respecter leur place dans la société. On forgera ainsi une identité franco-albertaine qui est à la fois unifiée et qui reconnaît la diversité des cultures qui la compose.

À la lumière de ce qui précède, le propos de notre projet est de sensibiliser le public à la présence de la communauté congolaise d’Edmonton et de mettre en valeur sa contribution. Avec les données statistiques, historiques et des témoignages personnels, nous ferons un historique de cette communauté au Canada et plus spécifiquement, à Edmonton. Ensuite, nous présenterons quelques organisations qui entretiennent un lien entre le Congo et Edmonton. Notre discussion se conclura avec un survol de quelques personnages marquants dans la communauté.

Circonstances de l’immigration et démographie actuelle 

Après des décennies de tension politique et ethnique, la guerre civile a éclaté en 1998 dans la République démocratique du Congo, ce qui a provoqué une vague d’immigration Le tableau ci-dessous permet de comprendre les effets de la guerre civile :

Période d’immigration     Citoyens canadiens originaires du Congo
 
Avant 1971 0
1971 à 1980 0
1981 à 1990 0
1991 à 2000 205
2001 à 2005 315
2006 à 2011 185
       

Source : Statistique Canada, Enquête nationale auprès des ménages de 2011, Produit no 99-010-X2011026 au catalogue de Statistique Canada

Ces données révèlent que l’immigration à Edmonton coïncide avec le début de la guerre civile : de 1991 à 2000, 205 immigrants ont réclamé la citoyenneté canadienne tandis qu’il n’y en avait aucuns entre 1981 et 2000. Cette hausse importante du taux d’immigration s’explique par le fait que les Congolais n’ont pas pu prospérer dans un pays ravagé par la guerre, de sorte que certains d’entre eux ont décidé d’immigrer. Il y a aussi le cas des réfugiés : à cause de la guerre civile, de nombreuses personnes ont été déplacées et ont fui vers d’autres pays. Ce processus a été facilité par des organismes comme le haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui a aidé beaucoup d’immigrants venus comme réfugiés au Canada. Le Manitoba et le Québec ont également connu un énorme afflux d’immigrants congolais, puisque ces provinces ont une population francophone fortement visible (Dikamba).

L’immigration à Edmonton, en particulier, a aussi été motivée par des raisons économiques. L’économie prospère d’Edmonton, le marché de l’emploi et les nombreuses possibilités ont attiré la plupart des familles d’immigrants dont plusieurs ont fait un détour par Montréal et/ou l’Europe. Mais une fois arrivés à Edmonton, les immigrants francophones ont fait face à une barrière linguistique. Afin de participer pleinement à la vie communautaire, ils ont cherché des établissements francophones à Edmonton pour former des liens dans leur nouveau pays.

En résumé, l’immigration est due à l’agitation politique, à l’instabilité causée par la guerre civile au Congo et au manque d’opportunités professionnelles. L’immigration vers le Canada s’est imposée pour de nombreuses familles.

Activités dans la communauté 

Bien que la communauté congolaise se soit récemment établie en Alberta, elle est dynamique et continue à enrichir les secteurs de services communautaires, religieux, artistiques et culturels à Edmonton.

Créée par Blaise Omalanga en 2009 dans la République démocratique du Congo, l’Association pour le reboisement, l’agroforesterie et la santé communautaire (ARASCO) vise à promouvoir la gestion durable des ressources naturelles et la sensibilisation sanitaire. L’organisation a réalisé plusieurs projets, dont la construction d’une école primaire et la mise en place de programmes d’éducation sur les effets néfastes du changement climatique et la déforestation. Possédant un bureau agréé à Edmonton depuis janvier 2016, ARASCO maintient un lien entre le Canada et le Congo, ce qui fournit un modèle pour l’échange des nouvelles stratégies de gestion, recherche et enseignement entre un pays développé et un pays en voie de développement (Omalanga).

Selon la journaliste Sandrine Griffon, plusieurs Congolais sont catholiques pratiquants et l’on trouve une forte présence de fidèles dans les deux églises catholiques francophones d’Edmonton, la paroisse Saint-Joachim et la paroisse Saint-Thomas-d’Aquin. Le père Daniel Tshimbalanga, pasteur de la paroisse Saint-Thomas-d’Aquin, est congolais (« Pasteurs »).

L’épicerie Kasoa Tropical Foods vend des produits provenant de l’Afrique de l’Ouest, dont quelques aliments et marques populaires au Congo (« Products »). Toutefois, il n’y a pas encore de restaurants exclusivement congolais à Edmonton, mais plusieurs restaurants africains offrent des mets traditionnels. Notamment, le restaurant Tropikana qui prépare le kwanga, un plat à base de manioc et le fufu, un mélange de maïs et de manioc (« Chikwangue »; « Foufou »; « Tropikana Menu »). Koultures Afro-Continental Restaurant est un autre restaurant qui propose de la cuisine congolaise. On y sert des beignets mikaté, également appelés puff puff dans d’autres régions d’Afrique (« Koultures Menu »; « Recette de Beignet »).

Charity Durowaa, la propriétaire de Kasoa Tropical Foods et du restaurant Tropikana, devant son restaurant PHOTO : Edmonton Journal

Charity Durowaa, la propriétaire de Kasoa Tropical Foods et du restaurant Tropikana, devant son restaurant. Photo : Edmonton Journal

En ce qui concerne les arts et la vie universitaire, l’Institut pour le patrimoine de la francophonie de l’Ouest canadien vient d’enrichir sa collection d’archives sur la communauté congolaise locale. Dirigé par le Dr. Paulin Mulatris, professeur à la Faculté Saint-Jean, ce projet de mise en archive vise à créer une mémoire pour la population africaine d’Edmonton. À ce jour, les archives comprennent des vidéotémoignages et des objets personnels que les immigrants congolais ont amenés avec eux au Canada (« Des archives »). Certains de ces objets ont une importance culturelle et d’autres ont une signification personnelle.

De plus, le Festival du patrimoine inclut un pavillon congolais, où l’on sert des plats typiques et présente la musique et la danse traditionnelles (Bayon).

Personnages marquants 

Directeur général de CANAVUA (Volontaires unis dans l’action au Canada), Dicky Dikamba, est originaire du Congo. Dès son enfance, il était fortement impliqué dans le bénévolat, car son père dirige plusieurs organisations à but non lucratif au Congo (Dikamba). Il a fait ses études de droit en  France; celles-ci l’ont sensibilisé davantage au besoin d’un réseau communautaire francophone. Après s’être établi à Edmonton, il a eu l’idée de créer CANAVUA (Dikamba). Entre autres activités, CANAVUA s’occupe d’une popote roulante, prend en charge la distribution de denrées et offre des cours de conduite en français et en anglais. En plus de proposer ces services, CANAVUA met ses bénévoles en contact avec des organisations à la recherche de bénévoles.

Dicky Dikamba, directeur général de CANAVUA PHOTO : CANAVUA

Dicky Dikamba, directeur général de CANAVUA. Photo : CANAVUA

Jean-Marie Yambayamba est un journaliste à Radio Canada qui habite à Edmonton et qui est originaire du Congo. Il a contribué à plusieurs reportages qui relatent les actualités africaines et canadiennes dans l’émission Tam-Tam, diffusée par Radio Canada International. Possédant des intérêts et des compétences diversifiés, il a fait ses études en physique, mathématique et théologie en France ainsi qu’au Québec. Il est arrivé à Montréal en 1994 et a déménagé à Edmonton en 2004 où il joue un rôle actif de bénévole (« La famille Yambayamba »).

Jean-Marie Yambayamba, journaliste avec Radio Canada. PHOTO : Radio Canada

Jean-Marie Yambayamba, journaliste chez Radio Canada.
Photo : Radio Canada

Directeur général de l’Alliance Jeunesse-Famille de l’Alberta Society (AJFAS) depuis 1999, Luketa M’Pindou est un pionnier dans la communauté francophone et une voix pour la jeunesse edmontonienne. Il a fait ses études à l’Université de Montréal où il a obtenu un baccalauréat en gestion. Plusieurs mérites lui ont été décernés pour les services qu’il a rendus à la communauté, dont la médaille du Jubilé de diamant de la reine Elizabeth II et la médaille Alberta Centennial (Passages Canada).

Luketa M’Pindou. PHOTO : Passages Canada

Luketa M’Pindou.
Photo : Passages Canada

Conclusion :

Bien qu’il y ait encore du chemin à faire pour que la communauté congolaise soit visible non seulement dans la francophonie mais aussi à Edmonton en général, il est évident qu’elle a beaucoup à nous offrir. Plusieurs personnes issues de cette communauté font des efforts pour promouvoir l’inclusion, faire valoir la richesse de leur culture et accueillir les autres.

Nous aimerions remercier M. Blaise Omalanga et M. Dicky Dikamba pour avoir partagé leur témoignage personnel. Nous aimerions aussi remercier M. Denis Lacroix de l’Université de l’Alberta ainsi que Mme Hélène Guillemette et Mme Cindy Garneau de l’Institut pour le patrimoine pour leur aide précieuse.

Lisa Grondin et Linda Gisenya (FREN 312)

(English version)

Bibliographie

Mulatris, Paulin. (2009). « Francophonie albertaine et inclusion des nouveaux arrivants : post mortem à un débat sur un changement de nom. » Journal Of International Migration & Integration, 10(2), 145-158. Imprimé.

M’pindou Luketa, Jacques. « La jeunesse congolaise dans la société canadienne. » L’Alberta et le

multiculturalisme francophone : témoignages et problématiques. Éds. Claude Couture et Josée Bergeron. Edmonton : Presses de l’University of Alberta, 2002. 33-36. Imprimé.

« Deuxième guerre du Congo. » Wikipédia. Web. 28 mars 2016.

Dikamba, Dicky. Entretien personnel. 23 mars 2016.

Canada. Statistique Canada. 2011 National Household Survey. Statistics Canada Catalogue np. 99-010-X2011026. Ottawa : Statistics Canada, 2011. Statistics Canada. Web. 21 février 2016.

Omalanga, Blaise. Correspondance par courriel. 13 mars 2016.

Griffon, Sandrine. « Présence congolaise à la FSJ. » Le Franco, 24 mars 2004. Web. 27 mars 2016.

Paroisse Saint-Thomas-d’Aquin. « Pasteurs : L’historique de nos pasteurs. » Web. 29 mars 2016.

« Products. » Kasoa Tropical Foods. Web. 29 mars 2016.

« Chikwangue. » Wikipédia. Web. 28 mars 2016.

« Foufou. » Wikipédia. Web. 28 mars 2016.

« Tropikana Menu. » Zomato.com. Web. 29 mars 2016.

Koultures Afro-Continental Restaurant. « Koultures Menu. » Koultures.com. Web. 29 mars 2016.

« Recette de Beignet Africain. » Recette Africaine. Web. 29 mars 2016.

« Des archives congolaises pour l’Institut du patrimoine. » Campus Saint-Jean, 12 février 2016. Web. 29 mars 2016.

Dooley, Brian. « Saison 2015-2016 : Nouvelles œuvres, nouveaux partenaires, nouveaux départs! » L’Unithéâtre : 3. Fichier PDF.

Bayon, Arthur. « Festival du patrimoine : les pavillons francophones mettent la main à la pâte. » Le Franco, 6 août 2014. Web. 27 mars 2016.

L’Institut pour le patrimoine de la francophonie de l’Ouest canadien. « La famille Yambayamba. » Archive non-classé. 21 mars 2016.

« Programmes. » CANAVUA. Web. 28 mars 2016.

« Les expressions de Jean-Marie Yambayamba. » Le monde chez nous. Radio Canada. 4 juillet 2015. Radio.

Yambayamba, Jean-Marie. « Un cours en français pour les candidats au permis de conduire d’apprenti à Edmonton. » Radio Canada, 27 février 2014. Web. 29 mars 2016.

Passages Canada. « Luketa M’Pindou. » Web. 18 février 2016.